Bonjour,
Voila ce que je peux vous dire sur le tapis de Rabat, bonne lecture :
Ø 1- Le Tapis ‘‘Rbati’’
· 1.1- Histoire, tradition & négoce
o Liminaire
Un tapis ‘‘Rbati’’ (de Rabat) est la représentation géographique d’une maison traditionnelle : le champ du tapis est entouré d’un jardin dont les parterres étagés et les allées contiguës seraient les écoinçons et les bandes ; le médaillon serait comme la vasque d’eau au milieu du jardin. Quant aux arcs, ils symboliseraient les deux niches en pierre taillée et sculptée ornant les deux extrémités de la chambre de réception. Ce ‘‘tapis jardin’’ rappelle, évidemment, le jardin des Oudayas.
o Aperçu historique
Bien qu’il existe depuis des siècles, le métier de la fabrication du tapis au Maroc n’a pas suscité l’intérêt qu’il mérite de la part des chercheurs anciens en sciences sociales. En fait, ce sont des écrivains étrangers (français, anglais et allemands notamment) qui se sont intéressés à ce métier à la fin du 19 siècle pour en définir les différents genres et indiquer les lieux de production.
L’origine du tapis citadin soulève encore des controverses même si l’unanimité est faite autour du tapis bédouin. En résume, si pour les descendants des Andalous venus de Grenade le tapis ‘‘R’bati’’, serait venu d’Andalousie, pour Prosper Ricard (Corpus des tapis Marocains), qui se base sur la comparaison des tapis de Rabat avec ceux d’Asie Mineure, (Anatolie et Perse) au niveau de l’encadrement, des couleurs et des motifs, le tapis de Rabat aurait été introduit au Maroc par les Turcs au 18 siècle.
o Légende et Tradition
Outre la légende de la cigogne qui aurait apporté un fragment de tapis d’un lointain pays pour en garnir son nid, ce qui aurait fourni le premier modèle aux tisseuses de Rabat, la tradition attribue la création du tapis de Rabat à deux jeunes filles considérées par la suite comme des saintes par la sagesse populaire : ‘‘Lalla Oum Knabech’’ et ‘‘Lalla Zineb’’.
D’autres légendes, précieusement préservées par des tisseuses, se racontaient souvent autour des métiers et visaient essentiellement à fortifier la cohésion du groupe et à stimuler l’esprit des enfants en leur faisant aimer le métier.
o Négoce du tapis de Rabat
Considéré jadis comme un produit de luxe à la seule portée des gens aisés, la fabrication d’un tapis n’intervenait que suite à une commande ferme et précise, en termes de dimensions, auprès d’une tisseuse qualifiée. En fait, l’apparition du souk des tapis ‘‘Rbati’’, à la Rue des Consuls, n’est que la conséquence d’une évolution démographique et matérielle permettant d’une part la fabrication des tapis aux dimensions standardisés et d’autre part l’achat d’un produit réservé autrefois aux nantis. A cet égard, le souk devient un lieu de rencontre et de négoce entre vendeurs et acheteurs.
Concernant les mesures à proprement parler, elles ne dépassaient pas trois mètres de long sur 1,6 ou 1,8 voire 2 mètres de large ; et exceptionnellement, certains tapis mesuraient 2 x 1 mètres. En fait, ces mesures étaient imposées par la largeur du métier dont les ensouples en bois ne dépassaient pas 2 à 2,5 mètre. Plus tard, les ensouples métalliques permettront d’atteindre de plus grandes largeurs.
Inspiré de divers motifs orientaux, la décoration du tapis ‘‘Rbati’’ est également le fruit de la contemplation et de l’imagination des « Maâlama » (patronne au sens noble, celui de maitre-artisan) qui travaillaient jadis sans plan ni maquette, mais réfléchissaient longuement sur tout nouveau motif à inclure ou sur la manière de modifier un dessin usuel. Actuellement, la majorité des tisseuses se contentent de copier l’existant, mais avec un perpétuel souci de rénovation, en vue d’obtenir un produit innovant et harmonieux.
o Décors traditionnels des tapis de Rabat
A la vue de certaines pièces anciennes, on est frappé par la façon dont elles ont été composées : décor varié, bandes riches et diversifiées, nuances claires et franches, mèches courtes et soyeuses.
A l’origine, l’ornementation devait être simple. Avec le temps, elle devint florale plus ou moins stylisée, puisant ses fondement dans les grands panneaux de plâtre, pierres taillées, bois peint et sculpté, zellige multicolore revêtant les murs et les plafonds de palais et mosquées qui ont inspiré tant d’artisans. D’ailleurs, certains dessins portent encore le nom de ce décor architectural ex : Zellige, Plateaux (‘’Sinia’’), ou grandes rosaces en faïence ou en cuivre ciselé. Ces ornements ont été crées, arrangés au fil des jours par des maîtresses de valeur et d’excellentes ouvrières.
Ainsi donc, l’élément essentiel du tapis reposait sur la matière première choisie et bien préparée, les dessins et la parfaite l’exécution.
· 1.2- Eléments constitutifs des tapis de Rabat
- 1.2.1- Le cadre
On dit en parlant de la production artistique qu’un tapis est le miroir de son pays d’origine ; d’autres disent que c’est un ambassadeur qui présente les qualités de l’artisanat de son pays. Concernant le tapis de Rabat, on dit que sa beauté réside dans son décor et son médaillon.
Assez souvent, ce cadre envahit le champ qui est étroit. Cette composition se rencontre surtout dans les tapis de grande dimension, contrairement aux tapis actuels où le cadre se rétrécit au profit d’un champ moins large, moins garni, presque vide, à part l’incontournable médaillon au centre.
- 1.2.2- Le champ
Le champ, entouré de lignes brisées, vides ou garnies de petits motifs sur tout le pourtour, est parsemé d’autres petits motifs variés qui égayent le tapis et le rendent moins dégarni. Nommés ‘‘Kchiouchat’’ (petits objets), ils sont bien répartis et disposés souvent d’une façon symétrique qui donne un équilibre à l’ensemble. Parfois, on trouve des personnages montés sur des mules, gravitant autour du médaillon.
- 1.2.3- Les bandes colorées
Ce sont des ceintures plus ou moins larges qui entourent complètement le champ ; leur nombre varie selon les dimensions du tapis. Chaque bande porte les mêmes motifs bien alignés.
- 1.2.4- L’arc
Il ferme le champ du tapis, le plus souvent aux deux extrémités. On le nomme ‘’Kobba’’ (la voute).
- 1.2.5- Les couleurs
Les anciens tapis de Rabat forment un ensemble harmonieux où lignes et couleurs s’équilibrent parfaitement ; certains tapis, mieux c..çus et plus stylisés exercent un charme qui pousse à l’émerveillement. Les nuances sont dominées par une tonalité rouge garance qui rend le tapis chaud. La couleur rouge atteste l’influence Orientale et aide à comprendre, peut-être, l’origine du tapis de Rabat. En outre, le rouge éclaire une chambre obscure, sans fenêtre. D’ailleurs, on ne concevait pas un tapis de Rabat où n’entrait pas le rouge.
Pour les autres coloris, on choisissait celles qui s’harmonisaient avec les éléments décorant la chambre.
Ces différents ornements ont influencé la composition des motifs et des couleurs dont les tons étaient doux et nuancés. Lorsque les coloris étaient obtenus par des moyens traditionnels, ils étaient mieux composés et assortis selon la nuance du motif employé.
Enfin, pour qu’un tapis soit beau et agréable, il faut que ses couleurs, qu’elle que soit leur variété, soient harmonieuses et qu’elles s’intègrent agréablement.
- 1.2.6- La fabrication
Il y a environ six mille métiers à tisser en activité dans la région de Rabat (artisans et coopératives). Au niveau de l’accomplissement des travaux, le tapis ‘‘Rbati’’ est réalisé par les femmes, au point noué, sur des métiers de haute lisse.
Pour un grand tapis, deux ou trois ouvrières peuvent travailler un même métier. Et même si elles ont devant les yeux un modèle sur papier quadrillé, elles connaissent souvent les motifs par cœur.
- 1.2.7- La matière première
Les laines ont pour origine le Maroc, la France et l’Australie. Ayant des qualités intrinsèques similaires, les trois laines sont mélangées, dans les coopératives, pour une qualité optimale du produit final à tisser. Le travail est accompli avec des brins de deux ou trois fils retordus selon l’épaisseur souhaitée.
Les laines brutes sont teintées avec des colorants chimiques dans les grandes structures de production ou achetées déjà teintées par les petites et moyennes unités. En général, les tapis ‘‘Rbati’’ sont dominés par le rouge, autrefois à base de cochenille ou de garance.
A noter que les laines non teintées gardent un ton blanc chaud ou crème très attrayant.
- 1.2.8- Le produit final
Outre l’origine orientale très probable, ces tapis possèdent, dans leur diversité, un style unique et une esthétique spécifique issue de la tradition hispano-mauresque que les amateurs reconnaissent immédiatement. Aussi, les tapis ‘‘Rbati’’ sont-ils classés en quatre catégories qui représentent les quatre qualités disponible sur le marché. Ces catégories sont appréciées selon deux critères, la solidité du tapis et le respect des modèles traditionnels.
Techniquement, plus le ‘‘point’’ est serré, plus le tapis est résistant, beau et onéreux :
Extra-supérieure | : 40/40 ou 160 000 points noués au mètre carré |
Supérieure | : 30/30 ou 90 000 points noués au mètre carré |
Moyenne | : 25/25 ou 62 000 points noués au mètre carré |
Courante | : 20/20 ou 40 000 points noués au mètre carré |
Les tapis de Rabat sont, en général, de dimension moyenne. Cependant, lorsqu’il s’agit de commande spécifique, il est également possible de fabriquer des tapis de grandes dimensions (10 mètres de long sur 7 ou 8 de large). Ce sont alors des pièces artisanales, rares et impressionnantes, constituant de véritables parterres colorés et fleuris. Sans forcer les mots, ils deviennent de féériques jardins de laine.
Plus précisément, cette décoration se compose essentiellement d’un motif floral stylisé dans un grand losange central même si les nouveaux modèles sont parfois parsemés de petites fleurs ou de petits animaux colorés. Ensuite, le tapis est toujours encadré de deux ou trois cadres, bandes dans lesquelles se répètent des motifs apparentés mais pas toujours similaires à ceux du centre.
Ils se distinguent des tapis d’orient par leurs larges surfaces unies et parsemées de motifs. En fait, s’ils n’ont pas le miroitement et le changement incessant des tapis persans et des ‘‘kilims’’ turcs, la vue d’ensemble du tapis ‘‘Rbati’’ donne une impression de grande sérénité.
Fabriqué à Rabat, Salé et d’autres centres, la réputation du tapis ‘‘Rbati’’ est, aujourd’hui, à la hauteur de celle des tapis d’orient car même lorsque les autres produits de l’artisanat marocain déclinent, le tapis de ‘‘Rbati’’ demeure très recherché.